Lionel nous parle de BALE III…

8 juillet 2016

Quels sont les changements que BALE III a apporté ? Quelles en sont les limites ?

Bâle III est une réponse (avec comme principal axe un renforcement important des fonds propres) aux différents problèmes observés lors de la crise des subprimes : Crise de liquidité ; de solvabilité, et insuffisances des fonds propres.

Plusieurs constats ont été faits depuis 2008 :

  • La taille du Trading Book des banques a augmenté significativement, et il n’y a pas jusqu’ici de règles assez précises permettant d’indiquer si un instrument doit être affecté au Banking Book ou au Trading Book. Les banques profitent de cette situation pour faire des arbitrages et réduire ainsi « artificiellement » le coût de leur risque.
  • La quantification du risque au sein des banques est très hétérogène et minimise souvent les risques provoqués par des chocs extrêmes de marché. De plus si les modèles internes permettent aux banques d’optimiser leurs ressources en fonds propres, leurs diversités rendent compliqué la comparaison des banques entre elles.
  • La qualité des données utilisées présentement dans les banques pour permettre une bonne estimation des risques est remise en question
  • La quantification et le management des risques sur les dérivés de crédit devraient être repensés même s’il y a eu des améliorations depuis Bâle 2.5.
  • Le risque de taux n’a pas été pris en compte dans les mesures prises pour la gestion du risque dans le Banking Book.
Lionel Kaman Interview Quanteam

Les nouvelles publications de Bâle essayent d’apporter des réponses à chacun des points évoqués ci-dessus.
Nombreux sont aujourd’hui les critiques émergeant des institutions financières vis à vis des réformes proposées: ils dénoncent notamment les exigences démesurées et inadaptées qui pèseront sur le core business des banques et ainsi que sur le coût du crédit. Le ratio de levier est aussi remis en cause, jugé comme inadapté et inutile car sans lien avec le risque. 

 

Comment perçois-tu l’évolution ?

Dans les années qui suivent, l’utilisation des modèles internes sera plus contraignante; désormais les modèles standards des banques seront plus sophistiqués et plus sensibles aux risques.

Si une banque utilise un modèle interne elle devra quand même estimer son risque en modèle standard afin d’être plus facilement comparable aux autres banques.

Les modèles standards et/ou internes de calcul de risques de marché (sur lesquels portent les travaux les plus aboutis ils sont connus notamment sous le terme FRTB) , de risques de contrepartie, de risques de crédit et de risques opérationnels vont être améliorés, ce qui engendrera des impacts énormes sur les modèles de risque. Ces textes vont provoquer d’importants changements dans le « business model » des banques et dans l’organisation de leurs équipes. Il faudra donc anticiper de lourds impacts en termes d’infrastructure informatique et de gestion de données. 

 

Que va apporter FRTB ?

FRTB impose une nouvelle définition de pilotage d’activités de marché qui marque une rupture avec les pratiques actuelles. Cela se traduit par: 

  • Une augmentation de la charge en capital
  • un modèle standard en contrôle du modèle interne
  • Un effort important de production et de validation d’indicateurs
  • Un alignement Résultat / Risque
  • une data quality améliorée et supervisée
  • Une inflation de la charge de calcul et un besoin de stockage accru

 


A moyen terme quels seront les futurs challenges pour les banques d’un point de vue exigence en fonds propres ?

Depuis la crise des Subprimes, le système financier souffre d’inflation réglementaire à la fois dans le cadre de l’Union bancaire au niveau européen et dans le cadre bancaire international Bâle III. Dans ce contexte économique morose, les institutions financières ont donc réagis en renforçant leurs assises financières tant au niveau du taux de fonds propres pondérés des risques que celui de la solvabilité au détriment de leurs core business.

L’inflation réglementaire constitue en général un frein au financement à moyen et long terme de l’économie. Le respect des ratios de liquidité (LCR et NSFR) suppose de raccourcir la maturité des actifs bancaires ou d’en augmenter le coût pour la clientèle. Quant au ratio de solvabilité, il est extrêmement coûteux, notamment pour SIFIs (Systemical Important Financial Institutions). Tous ces changements réglementaires auront un impact négatif sur la clientèle qui, pour certains types d’opération, fait appel exclusivement sur le financement bancaire. Si chaque mesure réglementaire, considérée individuellement, apporte souvent une réponse adaptée concernant la stabilité financière, les différentes contraintes imposées par le régulateur et les Etats interfèrent entre elles. Leur accumulation sans une vision globale n’est pas sans risque pour le financement de l’activité économique.

Face à une reprise lente de l’activité économique au niveau mondial nous allons assister dans les années qui suivent à une stabilité des règles (« pause réglementaire »). cette stabilisation voudrait dire qu’il n’y aura pas de hausse significative d’exigence globale de fonds propres appliquée aux banques.

 


Il est donc trop tôt pour parler d’un possible Bâle IV ?

Aux vues des gros changements à venir: la revue des méthodes standards, celles des modèles internes et la calibration de l’ensemble. Aucun concept nouveau n’est introduit. Il est donc logique de penser que tous les chantiers entrepris visent à assurer une meilleure comparabilité des modèles internes, et donc leur meilleure crédibilité et non pour augmenter substantiellement les exigences globales de capital. Il est donc trop tôt pour parler d’un prochain accord dit de Bâle IV.

 

Lionel KAMAN – Consultant expert Risque de Crédits