L’ère de la transformation digitale ne cesse de gagner du terrain et redéfinit les normes des industries, et la comptabilité n’échappe pas à cette révolution. Parmi les technologies émergentes, la blockchain se distingue par son fort potentiel à bouleverser l’univers de la finance.
Alors que beaucoup l’associe instinctivement aux cryptomonnaies, l’impact de la blockchain sur la comptabilité pourrait être bien plus profond. En promettant une transparence accrue, une meilleure sécurité de l’information et une limitation des interventions humaines, la blockchain pourrait redéfinir les pratiques comptables actuelle
Qu’est-ce que la Blockchain ?
La blockchain, littéralement « chaîne de blocs », est une technologie de registre décentralisé et distribué, qui enregistre les transactions de manière transparente, immuable et sécurisée. Elle repose sur un réseau décentralisé de nœuds (ordinateurs ou serveurs) qui partagent une base de données commune, où chaque enregistrement de données est appelé un « bloc ».
Chaque bloc est relié à d’autres blocs pour former une chaîne immuable garantissant une transparence et une intégrité totale de l’information, avec des registres d’information partagés et accessibles en temps réel par toutes les parties prenantes.

Comment fonctionne la Blockchain ?
A. Initiation de la transaction
Lorsqu’une personne souhaite effectuer une transaction, celle-ci est transformée en un bloc de données. Ce dernier contient toutes les informations nécessaires, telles que le montant, l’identité de l’expéditeur et le destinataire, ainsi qu’un horodatage (heure & date de la transaction).
B. Validation par le réseau
Le bloc est ensuite diffusé à l’ensemble du réseau. Chaque nœud (ordinateur participant au réseau) vérifie que ce bloc respecte un certain nombre de critères (qu’on appelle des règles de consensus) avant qu’il soit accepté.
C. Ajout à la chaîne
Une fois validé, le bloc est ajouté à la chaîne de blocs existante, en étant cryptographiquement lié au bloc précédent. Cette structure garantit l’immuabilité : toute tentative de modification d’un bloc altérerait l’ensemble de la chaîne, ce qui rendrait la fraude immédiatement détectable.
D. Finalisation de la transaction
La transaction est alors considérée comme terminée et inscrite de manière permanente dans la blockchain. L’ensemble du processus est transparent et accessible à tous les participants du réseau.
La Blockchain et la Comptabilité
La blockchain englobe plusieurs concepts clés qui contribuent à son fonctionnement et sa sécurité, et qui pourront révolutionner la comptabilité bancaire dans un futur proche. Parmi les concepts les plus innovants introduits par cette technologie : la triple entrée comptable et les Smart Contrats.
1 – La triple entrée comptable
La comptabilité telle que nous la connaissons repose sur le modèle à double entrée, un système basé sur l’enregistrement simultané des débits et des crédits pour chaque transaction permettant de maintenir l’équilibre comptable et de prévenir les erreurs.
Toutefois, ce système présente des limites, notamment en matière de fraude et de manipulation des comptes, car les données restent sous le contrôle exclusif des parties prenantes. Avec l’avènement de la blockchain, un nouveau paradigme est en train d’émerger : la comptabilité à triple entrée.
Ce fonctionnement introduit un troisième enregistrement pour chaque transaction : un reçu cryptographique inscrit dans un registre décentralisé, souvent basé sur la blockchain. Ce reçu est partagé entre toutes les parties impliquées dans la transaction et est validé par un consensus distribué, rendant les transactions vérifiables à tout moment par toutes les parties de manière immuable.
C’est le cas de plusieurs entreprises agroalimentaires (Groupe Avril, Carrefour…) qui ont implémenté un système basé sur la blockchain qui permet de suivre chaque transaction et mouvement de produits tout au long de leur chaîne de valeur.
Par exemple, si un fournisseur vend un lot de fruits à un distributeur, la transaction sera enregistrée dans les livres comptables des deux parties, mais aussi dans un registre blockchain, ce qui garantit que toutes les informations sont cohérentes et exactes.
2 – Les « Smart Contracts »
Un Smart Contract est un programme informatique auto exécutable qui fonctionne sur une blockchain. Il contient les termes et conditions codés qui sont automatiquement exécutés lorsque les conditions prédéfinies sont remplies.
Ces contrats autonomes éliminent le besoin d’intermédiaires pour surveiller ou appliquer l’accord, rendant les transactions plus rapides, sécurisées et transparentes
Leur particularité réside dans le fait qu’ils sont déployés et stockés sur une blockchain permettant :
- La décentralisation dans un environnement sécurisé et décentralisé
- Une exécution automatique lorsque les conditions définies dans le code sont remplies ;
- Une traçabilité totale et une transparence pour toutes les parties prenantes.
Par exemple, JPMorgan Chase a développé la plateforme Quorum qui utilise des contrats Smart pour automatiser des processus complexes, notamment dans le domaine des paiements interbancaires, basée sur la blockchain.
Cette dernière offre l’infrastructure décentralisée, immuable et transparente, tandis que les Smart Contracts exploitent cette infrastructure pour créer des accords automatisés sans intermédiaires, permettant de réduire les coûts, les délais et le risque d’erreur.
L’avenir de la Blockchain
La blockchain possède un potentiel immense pour transformer divers secteurs, notamment celui de la comptabilité, mais elle doit encore surmonter plusieurs défis pour réaliser pleinement ce potentiel, notamment :
La scalabilité
C’est la capacité de traitement des transactions qui peut être limitée par la taille des blocs et la fréquence à laquelle les blocs sont ajoutés à la chaîne. Cela peut entraîner des temps de traitement longs et des coûts élevés lorsque le réseau est congestionné.
La réglementation et conformité
Le cadre réglementaire autour de la blockchain est encore en développement. Les questions de conformité, telles que les exigences Know Your Customer (KYC) et Anti-Money Laundering (AML), doivent être clarifiées pour les applications de blockchain, surtout dans le secteur financier.
La complexité technique
La technologie blockchain est complexe et nécessite des compétences spécialisées pour son adoption. Le manque de familiarité, la migration des systèmes traditionnels et les coûts liés au développement et à la maintenance peuvent freiner son intégration au sein des entreprises.
En conclusion…
En continuant à développer des solutions innovantes et à établir des cadres réglementaires appropriés, la technologie blockchain peut progresser vers une adoption plus large et une intégration réussie dans les systèmes existants, et pourrait transformer les pratiques comptables traditionnelles et préparer le terrain pour une nouvelle ère de finance numérique.
Dans un prochain article, nous aborderons un aspect complémentaire de cette révolution qui pourrait redéfinir les stratégies d’investissement et de gestion des actifs qui est la Tokenisation.

un article rédigé par…

Amine BOUDEIR
Consultant Manager – Practice Opérations & Finance